S'il y a bien des hommes qui ont porté sans complexe des bijoux, ce sont les maharajas indiens. Aujourd'hui, une nouvelle génération de joailliers indiens s'inspire de cette tradition afin de proposer des bijoux contemporains qui s'adressent principalement aux hommes. C'est ce que nous apprend cet article publié dans la section Lifestyle de Yahoo :
« Le joaillier Krishna Choudhary sort une boîte de son coffre-fort. Il ouvre ensuite délicatement l'écrin en velours afin de nous montrer un incroyable saphir bleu ciel de 150 carats. La pierre couvre aisément la paume de ma main. Quand on l'observe, on a l'impression de plonger son regard dans une piscine. Malheureusement, la pierre n'est pas à vendre.
« Parfois, il en va de notre destin de voir quelque chose de beau, mais d'être dans l'incapacité de le posséder, » lance Choudhary d'une voix douce, dont le salon se trouve dans le quartier londonien de Mayfair. Selon les croyances hindoues, le simple fait de tenir un saphir (qui représente la planète la plus puissante de la galaxie, Saturne) peut améliorer le karma de certaines personnes. Mais aussi avoir l'effet inverse sur ceux qui n'ont pas le bon signe astrologique.
En attribuant aux pierres précieuses des vertus curatives et des pouvoirs magiques en relation avec les planètes et les dieux, la cosmologie hindoue a contribué à la création d'une culture qui confère aux bijoux des propriétés ayant bien plus loin que la simple décoration. « Chaque pierre engendre une responsabilité, car elles sont transmises de génération en génération. Elles ont une signification, » explique Choudhary, le descendant d'une famille noble de Jaipur. Pendant plus d'un siècle, en tant que joaillier des familles royales indiennes, les Choudhary ont rassemblé une large collection de pierres et de bijoux. Certains sont vieux de 200 ou 300 ans. Et nombreuses sont les pierres qui ne seront jamais vendues ou retaillées. Son père a décidé de préserver « leur histoire ». Récemment, il lui a permis d'utiliser certaines de ces pierres très convoitées afin de créer sa première collection de joaillerie fine, baptisée Santi. Elle fut présentée dans un salon qui a fait peau neuve pour l'occasion.
Choudhary fait partie d'une poignée de joailliers indiens contemporains qui commencent à gagner le respect de leurs pairs et des collectionneurs en raison de leur capacité à fusionner les styles orientaux et occidentaux. En compagnie de Viren Bhagat et Bina Goenka, Choudhary est en train d'influencer la haute joaillerie tout comme Jacques Cartier l'avait fait au début du XXe siècle après de multiples voyages en Inde. À l'occasion de ceux-ci, le joaillier fut émerveillé par les pierres colorées qu'il avait découvertes. Cartier avait développé des relations avec les riches maharajas qui voyageaient régulièrement vers Paris, accompagnés de coffres remplis de pierres précieuses. Ils lui passaient des commandes, ainsi qu'à d'autres maisons prestigieuses françaises, afin de créer des bijoux pour homme complexes.
Les canons esthétiques indiens ont ensuite influencé les maisons européennes durant des décennies. On considère que les années 20 et les années 30 sont l'âge d'or des bijoux européens influencés par les goûts indiens.
Ces bijoux hommes s'arrachent du côté des collectionneurs. En juin dernier,, Christie's a organisé une enchère mettant en vente ces pièces historiques Cartier, intitulée Maharajas & Mughal Magnificence. 400 bijoux indiens, dont les plus anciens ont 500 ans, ont ainsi permis de générer des ventes pour près de 110 millions de dollars. « Cette vente a démontré comment les bijoux font partie intégrante du quotidien en Inde. On les porte aussi couramment que des vêtements, » a déclaré Rahul Kadakia, responsable de la division joaillerie de chez Christie's. « Les Indiens avaient et ont toujours aujourd'hui de l'amour et du respect pour les bijoux. Comme nulle part ailleurs. »
Il y avait 3 bijoux Bhagat parmi les pièces particulièrement en vue de cette vente. Aujourd'hui, c'est probablement la marque indienne la plus prestigieuse. Si aujourd'hui les bijoux indiens sont souvent associés à des pièces massives en or, les choses sont en train de changer. Les créateurs sont en train de revisiter les anciens codes stylistiques pour les adapter à notre époque. Et tandis que les hommes commencent à s'intéresser à des bijoux sertis de pierres précieuses, les bijoutiers indiens ont des arguments pour les séduire.
« L'accès aux pierres précieuses est excellent en Inde, car nous les collectionnons depuis des générations, » a déclaré Hanut Singh, originaire d'une famille de maharajas. « Mon arrière-grand-père fut l'un des premiers à fournir des pierres précieuses à des maisons telles que Cartier, Boucheron et Chaumet afin de les retravailler. » Dans sa famille, on se transmet les bijoux pour hommes de génération en génération. M. Singh porte d'ailleurs régulièrement la bague homme en diamant rose de son grand-père.
Aujourd'hui, les joailliers indiens tentent de séduire une nouvelle classe privilégiée : à savoir les patrons et les cadres supérieurs de la Silicon Valley. On trouve dans la région de San Francisco des clients qui sont intéressés par l'héritage indien et les pierres qui ont une histoire. « Ces gens ne veulent pas porter un bijou homme en diamant pour le m'as-tu-vu, » explique Choudhary. « Ils veulent quelque chose qui a un style propre, une esthétique et une histoire. Un bijou homme qui a une signification. » Les CEO de la Silicon Valley ont beau être payés rubis sur l'ongle, certaines choses leur resteront inaccessibles. Comme cet énorme saphir familial, qui n'a pas de prix.